“On a remplacé les termes “Ressources Humaines” par “Relations Humaines”. Cela a plus de sens et remet l’humain au cœur de notre métier,” souligne Jérôme Friteau, Directeur des Relations Humaines et de la Transformation de l’Assurance Retraite. Le ton est donné : il ne s’agit plus simplement d’une réorganisation du travail hybride, mais bien d’une profonde mutation du secteur RH. Et pour en comprendre tous les tenants et aboutissants, l’événement Leaders RH by lesBigBoss a réuni, autour de la table ronde du Grand Hôtel Le Touquet, Jérôme Friteau, Jonathan Goldfarb, Directeur Recrutement, Formation et Digital RH de Franprix, et Caroline Haquet, Chief People Officer de Manutan. Dans cette conférence, rythmée par la voix de l’animateur et journaliste Michel Picot, nos trois invités d’honneur reviennent sur les évolutions et l’avenir du travail.
Parmi les évolutions du travail, on identifie évidemment des changements dans les techniques de management et dans la perception des organisations. Avec plus de 2200 collaborateurs, répartis dans 17 pays, le distributeur d’équipements BtoB Manutan a pris le parti de réunir l’ensemble des métiers dans son siège social, soit dans un campus de 13 hectares. Au cœur du site, on retrouve toutes les entités de l’entreprise, incluant les entrepôts, les fonctions supports, tertiaires et commerciales, ainsi que l’Université où se déroulent les formations et activités artistiques, un centre sportif complet et un restaurant. “Nous croyons en l’efficacité de la proximité aussi bien physique que dans notre communication en interne”, explique Caroline Haquet. En effet, avec son programme “Feedback is a gift”, Manutan entend embarquer l’ensemble des collaborateurs dans une logique collective de co-construction et de progression de l’entreprise, mais également des compétences individuelles de chacun.
“Managers et collaborateurs doivent apprendre quels sont les bons moments et les bonnes techniques favorisant une communication fluide, transparente et naturelle.”
Caroline Haquet, Chief People Officer de Manutan
Le métier de manager n’est pas le seul à changer. Les différents postes, qui composent les entreprises, évoluent et les organisations redoublent d’imagination pour proposer leurs propres formations. C’est le cas de Franprix, qui a mis en place “l’Acadibus”. Le “bus magique”, comme le nomme Jonathan Goldfarb, est né pour répondre à un problème de rétention des collaborateurs en magasin. En effet, les magasins étant staffés à cinq ou sept salariés, lorsque le directeur envoie une personne en formation, il s’ampute d’une partie de son équipe. Pourtant, “il y a un besoin de formation des collaborateurs puisqu’on est passé d’un métier de rayonniste à un métier de service, de conseiller et d’accompagnateur”, selon Jonathan Goldfarb. Pour permettre aux collaborateurs de bénéficier d’une formation sans impacter le fonctionnement du magasin, Franprix a donc mis au point une salle de formation mobile, accompagnée d’une brigade volante pour remplacer les employés du magasin pendant qu’on leur délivre la formation dans le bus.
“Nous entretenons une véritable culture de l’essai-erreur, un peu comme un laboratoire d’innovation. Nous n’hésitons pas à solutionner des problèmes par des chemins parfois détournés.”
Jonathan Goldfarb, Directeur Recrutement, Formation, Digital RH de Franprix
L’Assurance Retraite a, comme beaucoup d'entreprises, dû s’adapter à la réorganisation du travail, induite par la crise sanitaire. Le télétravail au sein de l’organisme est alors passé de 17% avant la crise, à 77%. Pour Jérôme Friteau, Directeur des Relations Humaines et de la Transformation de l’Assurance Retraite, ce n’est pas fini : “Nous nous dirigeons vers une gestion du télétravail incluant des formules sur-mesure. Nous devons nous adapter aux situations personnelles des salariés. Seulement, par soucis d’égalité de traitement et de justice sociale, la question est de comprendre comment faire du sur-mesure pour les métiers non télétravaillables.” Pour répondre à cette problématique, l’Assurance Retraite expérimentera, dès février 2023, la semaine de 4 jours pour les métiers non télétravaillables.
“Peut-être serait-il intéressant de tester la semaine de 4 jours en priorisant les métiers qui ne sont pas télétravaillables pour embarquer tous les salariés dans l'enjeu de conciliation vie professionnelle/ vie personnelle ?”
Jérôme Friteau, Directeur des Relations Humaines et de la Transformation de l’Assurance Retraite
Si la Chief People Officer de Manutan salue cette initiative et explique être également “gênée par la politique RH à deux vitesses qui existe entre les métiers télétravaillables et ceux qui ne le sont pas”, elle souligne la complexité pour les entreprises comme Manutan, qui incluent des métiers plus physiques, à expérimenter la semaine de 4 jours sans que cela ne pose de problèmes de santé. “Notre solution serait peut-être de privilégier une flexibilité des horaires pour les collaborateurs.”
S’affirmer comme marque employeur et attirer des candidats est devenu plus complexe qu’avant. “Cela s’explique notamment par la concurrence féroce, née de l’uberisation, qui apporte aux salariés des avantages en termes de flexibilité”, d’après Jonathan Goldfarb. Pour les entreprises, le challenge dorénavant est de donner du sens aux métiers, donner envie aux collaborateurs de s’impliquer et leur faire comprendre l’utilité de ce qu’ils font. Aux Etats-Unis, on parle de “job crafting”. Cette tendance consiste à donner la possibilité aux collaborateurs de créer leurs activités, d'avoir davantage de responsabilités. Chez Manutan, c’est la mise en place de bonnes pratiques environnementales en interne qui a une résonance chez les collaborateurs. Ces derniers s’impliquent dans la réflexion de ce que l’entreprise pourrait proposer aux clients pour avoir un meilleur impact environnemental. “L’économie circulaire est un vrai sujet sur lequel les équipes sont engagées. Ils sont nombreux à vouloir faire partie du projet”, d’après Caroline Haquet. Ainsi, quel que soit leur niveau de responsabilité, les collaborateurs ont besoin d’avoir un impact dans l’entreprise, d’être acteurs des transformations. Pour Jérôme Friteau, “cela bouscule les organisations telles que nous les connaissons. Peut-être allons-nous bientôt quitter définitivement les repaires du taylorisme, qui impliquent des divisions verticales et horizontales du travail, et où personne ne perçoit de sens à ce qu’il fait. La clé désormais est de trouver le bon équilibre entre process, humain et autonomie.”