RH : une fonction en pleine mutation
Digitalisation RH Télétravail Damien Grosset 3 min de lecture
Digitalisation, télétravail, accompagnement des managers… La crise sanitaire a dégagé de nouveaux défis pour le secteur RH. De ces challenges, la conférence « Innovation, digitalisation et dimension marketing du DRH : comment accélérer la transformation de sa fonction ? » en a fait l’état des lieux. Mieux encore, elle en a tiré des éléments de réponse. Explications.
La fonction RH, échaudée ? Si l’on en croit les chiffres, oui. Selon l’étude « Les RH au quotidien » réalisée l’hiver dernier par les éditions Tissot et Payfit (logiciels de gestion de paye), 75 % des professionnels des ressources humaines déclarent être davantage sollicités par les salariés et près de 80 % par leur direction. Ce n’est pas tout : plus de 60 % des sondés évoquent le manque de temps et de ressources pour exercer leurs tâches et plus de 70 % se sentent frustrés, voire isolés.
La principale raison ? La crise sanitaire. Car entre la présence au bureau et le travail à domicile, sans oublier la priorisation de l’humain tout en procédant à une transformation digitale à marche forcée, la pandémie a changé la donne et conduit les RH à repenser leur métier en permanence. Mieux encore, elle a conduit les entreprises à déconstruire leur façon de penser, engluée parfois dans une organisation du travail archaïque. « Il y a un avant et un après Covid, résume Mathilde Le Coz, DRH France de la société d’audit Mazars. Et il est fondamental de ne pas revenir à « l’avant » et de saisir l’opportunité de transformer la fonction RH. Les entreprises ne vivaient plus avec leur époque. Et malgré une culture managériale « à la française » parfois réticente aux changements, nous avons emprunté définitivement la voie du changement et de la transformation. »
Regagner la confiance
Mathilde Le Coz n’en finit pas de faire le procès de l’organisation du travail en France : « Chez nous, on gagne la confiance plus qu’on ne la donne. Cette fois-ci, on a dû faire confiance à nos collaborateurs pendant cette période. C’est cela l’héritage de cette crise sanitaire : comprendre qu’il est important d’être aux côtés des équipes qui souffrent, être dans un accompagnement au quotidien sans faille. Je trouverai hallucinant de ne pas comprendre cela et de revenir en arrière après 18 mois de confiance ». Des propos que corrobore Carole Prouheze, Head of corporate function & headquarters humain ressources chez Worldline, acteur des solutions de paiement (la société a avalé Ingenico au terme d'une OPA à 7,8 milliards d'euros il y a un an) : « La crise a été l’opportunité de nous refocaliser sur les gens. Elle nous a fait comprendre que pendant cette pandémie, nos collaborateurs avaient eu des peurs profondes et qu’il nous fallait entrer dans leur quotidien, comprendre ce qu’ils vivaient au quotidien. »
Pour analyser ce que les collaborateurs traversaient pendant cette période, le secteur RH a d’ailleurs élargi son champ d’action, précise Carole Prouheze : « Nous avons effectué un sondage pays par pays pour étudier le moral des gens, voir s’ils se sentaient en sécurité et de quelle façon nous pouvions les soutenir ». Même chose chez Mazars : « Dès le premier confinement, nous avons sondé tous nos collaborateurs pour détecter les bonnes pratiques mises en place dans les autres pays, assure Mathilde Le Coz. Et nous avons recouru au collaboratif pour trouver des solutions et penser différemment pour trouver un équilibre vie privée/travail tout en étant chez soi.»
Télétravail ou pas ?
Si travailler chez soi a été la règle pendant les confinements successifs, faire revenir les salariés au bureau n’est plus automatique aujourd’hui. « Il faut trouver le bon équilibre dans le télétravail, explique Carole Prouheze. Chez nous, il est de 50% pour nos collaborateurs. Parce que nous estimons que venir au bureau, c’est créer du lien, brainstormer, être en mode agile. Nous avons d’ailleurs pensé notre nouveau siège social à La Défense dans une optique de « flexwork », avec une nouvelle organisation des espaces, des endroits où se rencontrer pour boire un café… Nous avons même prévu des ateliers yoga pour redonner l’envie à nos collaborateurs de se rendre au bureau. » Mathilde Le Coz pousse le raisonnement un peu plus loin : « Il nous faut modifier notre point de vue : quel est le minimum de temps à être ensemble pour faire sens ? Il nous faut trouver des éléments de langage et annoncer que se retrouver physiquement peut apporter de la valeur à notre travail. »
Vers une digitalisation de la fonction
Si les RH cherchent à réinjecter du lien entre leurs collaborateurs pour les faire revenir au bureau, elles doivent aussi le maintenir quand ils sont à la maison. Ce qui n’est pas toujours chose aisée. « Grâce au digital, nous sommes entrés dans l’espace privé des gens et cela nous a permis de mieux les connaître, reconnaît Carole Prouheze. Désormais, il nous faut savoir comment créer une nouvelle culture d’entreprise avec un programme qui passe par le digital. Et comment créer une communauté avec le digital : avec des apéros ou des cafés virtuels ? ». Outre mettre à l’aise leurs collaborateurs sur le digital, les RH pensent aussi à choyer leurs futurs talents. « Notre site carrière est fabriqué comme un site e-commerce, explique Mathilde Le Coz. S’il lui faut 10 clics pour arriver sur l’offre, on va le perdre. Il doit pouvoir suivre sa candidature en direct comme l’on suit un colis avec Amazon. Nous sommes choyés en tant que consommateur, il faut agir de même dans le recrutement ». Choyer ses salariés, c’est aussi vers cette nouvelle tendance que se dirige la fonction RH.